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Hello ! 🙂
Aujourd’hui, je viens présenter un roman un peu particulier publié aux Editions des Lacs en juin 2020 dans la collection « Méandres », il s’agit du premier roman de Delphine Muse « Ancrier« . Ce roman sort de mon genre de prédilection puisqu’il se classe dans le Thriller-Fantastique. Je ne lis que rarement des romans fantastiques, j’aime en général m’ancrer dans des sujets ordinaires et voir la façon dont un auteur rend l’ordinaire extraordinaire. Mais est-ce-que Ancrier est si éloigné de la réalité, finalement ?
J’avoue avoir beaucoup hésité avant d’ acheter ce roman, je ne savais pas trop à quoi m’attendre bien qu’il m’intriguait assez et malgré les très bons retours que j’en avais lu. Et puis la semaine dernière, ne sachant trop que lire (ce n’est pas comme si ma PAL était immense) j’ai repensé à Ancrier avec curiosité et avec l’intuition qu’il fallait que je le lise, que c’était le bon moment. Alors j’ai écouté la petite voix qui me murmurait de le faire, et je l’ai fait. Autant dire que je ne regrette absolument pas ce choix ! Tout comme le Nombril de Solveig d’Olivier Sorin paru dans la même collection, j’y ai découvert à nouveau une nouvelle voix de la littérature, une plume aussi singulière. Delphine Muse nous embarque dans un univers bien à elle qui a la particularité d’engluer notre esprit. Ancrier est un roman qui reste en tête, moi qui enchaîne les lectures, je peux dire que je m’en souviendrai longtemps. D’ailleurs, au moment où j’écris ces mots (deux jours après en avoir terminé la lecture), je n’en suis pas réellement revenue, mon esprit est toujours enfermé dans le ventre de cette vieille demeure bretonne. Bien-sûr, il s’agit d’une image mais je pense que vous avez saisi ce que je voulais dire 😉
Ancrier est un roman de saison, Halloween approche, si vous recherchez du frisson, ce livre a sa place dans votre PAL. D’ailleurs, les Editions des Lacs propose actuellement Ancrier à 4,99€ au lieu de 9,99€ en version numérique jusqu’au 31 octobre, l’occasion de vous le procurer. :p
Résumé
Emma, écrivaine en panne d’inspiration, prend une décision radicale : s’enfuir. Elle loue une maison isolée dans une petite ville bretonne et disparaît sans prévenir personne. Mais en fuyant le présent, ce sont les fantômes du passé qu’Emma va réveiller. Sans savoir pourquoi, cette phrase, comme un morbide refrain, tourne en boucle dans sa tête… « Il ne s’est pas suicidé, et tu le sais. »
Emma, accompagnée de Mickaël et sa soeur Danielle rencontrés sur place, va mener l’enquête pour découvrir ce qui s’est passé dans cette maison et tenter d’expliquer les phénomènes qui s ́y produisent. Mais remuer un passé vieux de quatre-vingt ans n’est pas sans danger. En sortiront-ils indemnes ? Un futur est-il possible lorsque les temps se confondent ainsi, jusqu’à vous mener aux confins de la folie ?
Une intrigue qui se déroule en Bretagne ne peut que stimuler l’imagination. La Bretagne avec ses paysages et ses légendes est le lieu idéal pour apporter un regain d’énergie qu’une autrice en panne d’inspiration a besoin. Emma, jeune autrice à succès de romans d’horreur a senti l’appel de l’air marin pour l’écriture de son nouveau roman, c’est de cette manière qu’elle se retrouve dans l’ancienne maison des Lafond qu’ils ont mis en location. Emma est dans ce qu’on appelle « la phase d’écriture », elle se nourrit de la solitude pour créer. L’écrivain est celui qui navigue entre plusieurs mondes, c’est celui qui est en équilibre entre le réel et l’imaginaire. L’écrivain est un magicien mais cet écartèlement permanent entre ces deux univers peut le nuire, se refermer sur lui. Comment ne pas se perdre dans la folie de l’imaginaire ou bien comment survivre dans un monde trop normal et sans magie ? Pour un écrivain, l’un ne peut aller sans l’autre. Cette particularité en fait des êtres à part entière dans la société et leur donne parfois le sentiment de ne pas être à leur place. Lorsque l’on sort de l’ordinaire, on a souvent la sensation d’être incompris par les autres parce que l’on ne voit pas ou l’on ne ressent pas les choses de la même manière mais cette différence peut être une capacité que les autres n’ont pas… La capacité de déceler des choses que personne ne voit…
Le personnage d’Emma intrigue par son comportement. La jeune femme semble méfiante envers les autres, voir paranoïaque comme si elle était traquée. Son soudain besoin d’air frais s’est décidé spontanément, Emma souhaite t-elle réellement s’isoler pour sa créativité ou bien ce besoin de solitude a été mué par l’urgence d’une fuite ? Emma semble séduite par la maison des Lafond dès le premier coup d’oeil, cet endroit isolé en lisière d’une forêt et de la plage l’attire d’emblée et pourtant cette ancienne bâtisse n’a pas livré tous ses secrets…
Je ne peux parler du roman de Delphine Muse sans mettre en avant cette atmosphère malaisante qui prédomine l’intégralité du récit. Cette bouffée de malaise nous saisit dès les premières lignes et ne nous lâche plus jusqu’à la fin.J’insiste beaucoup sur l’atmosphère pesante qui règne dans ce roman car elle est vraiment le point fort de l’autrice. L’histoire en elle-même est assez simple, le rythme est assez lent comme si l’auteure préparait le terrain d’un drame qui s’apprête potentiellement à survenir. Le lecteur est sur le qui-vive avec cette boule d’angoisse qui le pèse, l’étouffe. Cette ambiance anxiogène nous saisit à la gorge, nous sommes figés et n’avons d’autre choix que de tourner les pages avec empressement pour percer à jour le mystère qui nous enveloppe et rode autour des personnages. L’atmosphère du roman fait la singularité du style de Delphine Muse, j’ai déjà lu des centaines de thrillers et pourtant ce livre se démarque, j’ai été très admirative de cet état de malaise que l’on ressent chez les personnages et nous-mêmes durant la lecture, instaurer et maintenir ceci pendant l’intégralité du roman est assez bluffant surtout quand il s’agit d’un premier ouvrage ! J’ai été complètement envoûtée par ce roman, sous l’emprise de ce rythme tantôt lent, tantôt angoissant que l’auteure maîtrise habilement. On ne sait à quoi s’attendre, il y a cette angoisse de l’inconnu.
« 𝐎𝐧 𝐣𝐮𝐬𝐭𝐢𝐟𝐢𝐞 𝐥’𝐡𝐨𝐫𝐫𝐞𝐮𝐫 𝐩𝐮𝐫𝐞 𝐞𝐭 𝐝𝐮𝐫𝐞 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞 𝐨𝐧 𝐯𝐞𝐮𝐭 𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐚𝐮 𝐟𝐢𝐧𝐚𝐥, 𝐜’𝐞𝐬𝐭 𝐭𝐨𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐬 𝐥’𝐇𝐨𝐦𝐦𝐞 𝐪𝐮𝐢 𝐞𝐬𝐭 𝐫𝐞𝐬𝐩𝐨𝐧𝐬𝐚𝐛𝐥𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐝𝐨𝐮𝐥𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐥’𝐇𝐨𝐦𝐦𝐞. »
Lire Ancrier, c’est s’engouffrer inexorablement dans les méandres d’une forêt noire, c’est être absorbée lentement sans s’en rendre compte jusqu’à ce qu’on se retrouve piégée. Nul besoin de choses extraordinaires pour créer de l’horreur, les Hommes se débrouillent très bien pour en perpétrer chaque jour. Les monstres existent, ils sont partout autour de nous.
Ce roman possède tous les codes de l’horreur classique : une femme isolée dans une vieille maison implantée sur des terres mystérieuses, des phénomènes troublants et pourtant c’est plus que ça… Ce qui est rassurant avec le genre de l’horreur, c’est que le fantastique permet d’évacuer ses peurs réelles car le fantastique n’existe pas dans la vraie vie. Les histoires qu’Emma raconte dans ses romans sont comme des défouloirs pour se libérer de ses angoisses, ça lui permet de matérialiser ses peurs pour les faire disparaître mais pourtant les monstres sont inspirés des monstres que l’on croise dans le quotidien car ils existent…Ses récits sont donc d’autant plus terrifiants…
Le personnage d’Emma est d’entrée sous tension, on suit ses tribulations, ses réflexions… La jeune femme se complet dans une solitude qui va être très vite compromise par l’apparition de Mickaël, le fils des propriétaires.
« Les sentiments très forts s’incrustent dans un paysage comme une odeur de friture dans des rideaux. C’est toujours là, même si on aère. »
Le suspense se met en place lorsque la jeune femme commence à ressentir des choses et à entendre une voix intérieure lui murmurer la même phrase continuellement comme un mantra, une litanie funeste. Un étau de stress se referme autour d’Emma. L’imaginaire accentue la pesanteur ambiante. La nuit, les paysages et les lieux ont tendance à montrer un autre visage affichant une grimace déformante. Emma s’inspire des fantômes de la nuit, elle trouve son inspiration dans les silences car c’est dans le silence que les monstres se manifestent pour troubler la quiétude générale. Emma se nourrit de ses cauchemars, les absorbe pour ensuite, les vomir sur le papier. L’écriture, comme un exutoire. Pour créer,Emma a l’habitude d’écouter la voix de son intuition mais est-ce vraiment une voix venue de l’intérieur d’elle même qui tente de communiquer?
La jeune femme est plus à l’aise dans le noir qu’à la lumière car allumer la lumière signifie éclairer une vérité qu’elle ne souhaite pas forcément voir et pourtant accepter les choses aide à se révéler.
J’ai beaucoup aimé la personnalité atypique et hypersensorielle d’Emma et de Danielle qui se démarquent du monde cartésien par leur clairvoyance, ainsi que les sujets abordés dans le livre tel que les pouvoirs des émotions. Les sentiments profonds que l’on éprouve ont le pouvoir d’imprégner les choses et les lieux d’où ils sont originaires. Les sentiments sont comme des empreintes gravées à jamais qui s’accumulent avec le temps et le vécu. Derrière ce roman, se cache une grande sensibilité, on perçoit l’importance des ressentis.
Un écrivain a la capacité de lire dans les autres mais pour exploiter tout son potentiel, il doit apprendre à lire en lui.
Le dénouement est arrivé violemment par une marée haute haletante qui m’a renversée et balayée par surprise. Tel un orage,la vérité a explosé refaisant remonter à la surface les atrocités enfouies. Le poids du mensonge aura des conséquences irrémédiables.
J’ai été prise au dépourvue par cette fin, je me suis sentie délaissée là dans cette maison avec pour seule compagnie cette boule d’angoisse qui n’a fait que s’amplifier pendant toute la lecture. J’avoue pour le coup, avoir été dans l’incompréhension concernant l’attitude du personnage d’Emma à la toute fin,que j’ai trouvé assez détachée au vu de la tournure des évènements. Son attitude m’a laissée un peu perplexe mais cela reste mon point de vue personnel.
Delphine Muse signe un roman des plus singulier qui ne peut vous laisser indifférent tellement il est convaincant. Mon esprit est toujours perdu quelque part dans ses pages ou bien est-ce ce roman qui s’est profondément ancré dans mon esprit de façon subtile? En tout cas, je l’entends toujours murmurer…
EXTRAIT
Clap. Elle coupe la lumière, prend une douche dans la salle de bain attenante et rejoint le salon. En bas de l’escalier la sensation de trouble la reprend. Elle sent un malaise arriver.
C’est juste une vague.
Un bruit sourd retentit sur la terrasse. On aurait dit une valise énorme tombée du ciel. Emma sursaute, le souffle coupé, et se retourne, mais les baies vitrées reflètent l’intérieur de la maison et sa silhouette qui se détache comme une ombre de film d’horreur. Elle voit deux options: tirer la porte-fenêtre coulissante ou éteindre la lumière et plonger la maison dans le noir. Emma n’a pas peur du noir. Emma a peur des étrangers. Le choix est vite fait. Elle s’approche des fenêtres. Elle est si près qu’elle sent la brise s’infiltrer par la bouche d’aération. À gauche de la baie vitrée , elle pense avoir la main sur l’interrupteur du salon mais quand elle le baisse, dans un élan de courage, elle est aveuglée par une nouvelle source de lumière: elle vient d’allumer la terrasse.
Elle plisse les yeux, ne comprenant pas vraiment ce qu’elle voyait. Le garde-corps en acier moderne et design a laissé place à une rambarde en bois qui semble branlante. Il n’y a plus de mobilier et à la place des lattes gris perle qui habillaient le sol quand Emma l’a vu pour la dernière fois se tient une dalle de ciment. Peu importe le lieu ou le décor, ce qui fait reculer Emma, la raison pour laquelle elle étouffe un cri de sa main en tenant son ventre de l’autre, c’est le corps sans vie allongé poitrine contre terre là où se trouvait un salon de jardin moderne il y a quelques minutes encore.
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