♥♥♥,5 /5
Hello! Voilà bien longtemps que je n’avais pas écrit de retour littéraire sur ce site mais ces derniers temps j’ai un peu négligé ma PAL… rassurez- vous, elle se porte très bien, elle a même pas mal grossi depuis le mois de mai… Une mauvaise habitude que j’ai : j’achète plus vite que je ne lis… :p
Je suis actuellement plongée en pleine écriture de mon manuscrit depuis plus d’un mois avec l’espoir de le finaliser dans les prochaines semaines et pouvoir l’auto-éditer. Je ne pensais pas qu’être enfermée avec soi-même et ses pensées pouvaient à se point nous couper du monde… Pour renouer avec la lecture j’avais besoin d’un roman léger, et pas prise de tête, et comme quoi l’instinct a encore eu un bon flair, je me suis retrouvée avec dans les mains le roman de Claire Renaud « L’ange et le violoncelle »paru en mai. Ce livre se lit très vite de par déjà son format assez court (il ne fait que 190 pages),mais de plus l’écriture y est fluide, les personnages attachants, il se dévore en une journée.
Cela fait quelques heures que j’ai refermé ce roman et je me rends compte à regret que j’ai posté ma chronique un peu trop à chaud sur les réseaux sociaux, j’aurais peut-être dû attendre d’être redescendue de la lecture avant d’écrire. J’ai été trop empressée mais en y réfléchissant ne suis-je pas là une victime du monde moderne? Nous sommes soumis à ce rythme effréné, habitués à courir dans tous les sens et c’est ce que l’auteure pointe du doigt dans ce roman. C’est une lecture qui y est tendre, un roman que l’on a envie de serrer contre soi. C’est un roman un peu doudou ou peut-être est-ce par lui que l’on attend d’être cajolé et bercé entre ses pages rugueuses car oui, je pense que cette histoire peut s’adresser à un public jeune (collège- lycée) aussi bien qu’à l’enfant intérieur qui sommeille en chaque adulte, cet enfant qui souvent a besoin d’être aimé, d’être rassuré dans un monde brut et matérialiste. J’aurais dû me rendre compte que si ce livre est court, que si certains détails avaient été occultés , c’était justement parce que pour comprendre réellement les choses, il n’y a pas besoin de s’époumoner en paroles et en mots inutiles… cela, les gens le font déjà très bien. Non, comprendre réellement les choses, c’est les ressentir.Tout est dans l’émotion, et en terme d’émotions, ce roman fait le job.
Résumé
Joseph travaille au service des objets trouvés de la gare de l’Est. Plutôt taiseux et renfermé, il occupe ses journées à rêver la vie des autres et à ne pas vivre la sienne. Un soir, tandis qu’il fait la tournée des trains arrêtés au garage, il est attiré par des bruits inhabituels… et découvre sous un siège un bébé abandonné dans un couffin. Touché plus qu’il ne voudrait l’être, il se résout à le ramener chez lui. Juste pour une nuit. Mais le lendemain, alors qu’il s’apprête à confier l’enfant aux services sociaux, l’émotion l’envahit. C’est une évidence : il ne peut pas le laisser ici.
Alors, pour la première fois, une histoire entre dans la vie de Joseph.
La vie de Joseph a un rythme aussi régulé que celui d’un métronome, sa grande carcasse bourrue s’articule de façon mécanique et accordé. Mais la mélodie qui en sort est tout sauf accordée , elle est monocorde, désœuvrée et rocailleuse. C’est un son étranglé car l’instrument du coeur est rouillé depuis des années.Il dort, il est en état de veille. « Joseph ne vit pas. Joseph fonctionne. » (citation tirée du roman). Joseph ne ressent plus rien, il a emmuré son cœur, il a appris l’indifférence de la vie. Joseph vit en marge de la société, il est l’oublié, l’égaré du monde extérieur car pour lui, c’est de là que vient le danger. Il ne fait pas confiance au monde. Il ne sait plus comment communiquer dans un monde qui le laisse sans voix alors il ne parle pas, il n’exprime pas. Prendre le risque de vivre, c’est prendre le risque de perdre quelque chose, c’est s’exposer de nouveau à une potentielle souffrance alors il choisit de ne plus vivre,seulement d’exister de la manière la plus discrète qui soit, il déambule sur la pointe des pieds, il erre silencieux dans la gare pour récupérer les objets du plus banal au plus particulier que les usagers négligent et oublient dans les wagons. Joseph déplore le monde matérialiste, il ne comprend pas la façon de fonctionner des autres alors il préfère les éviter. Il préfère la compagnie de sa caverne d’objets trouvés, il aime imaginer à travers eux des histoires sur la vie de leurs propriétaires. Cette remise d’objets perdus est son antre,sa bulle, là où il se sent en sécurité, là où il se sent chez lui, à sa place avec eux. Il est comme eux, lui aussi est un abandonné.
« 𝐂𝐡𝐞𝐳 𝐉𝐨𝐬𝐞𝐩𝐡, 𝐭𝐨𝐮𝐭𝐞𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐜𝐡𝐨𝐬𝐞𝐬 𝐨𝐧𝐭 𝐮𝐧𝐞 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞, 𝐥𝐞𝐮𝐫 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞 𝐝𝐨𝐧𝐭 𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬 𝐧𝐞 𝐛𝐨𝐮𝐠𝐞𝐧𝐭 𝐩𝐚𝐬. 𝐂𝐨𝐦𝐦𝐞 à 𝐥𝐚 𝐠𝐚𝐫𝐞, 𝐟𝐢𝐧𝐚𝐥𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭. 𝐂’𝐞𝐬𝐭 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐦𝐢𝐞𝐮𝐱 𝐥𝐞𝐬 𝐫𝐞𝐭𝐫𝐨𝐮𝐯𝐞𝐫. 𝐈𝐥 𝐧’𝐲 𝐚 𝐫𝐢𝐞𝐧 𝐝𝐞 𝐩𝐢𝐫𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐩𝐞𝐫𝐝𝐫𝐞. 𝐏𝐞𝐫𝐝𝐫𝐞 à 𝐣𝐚𝐦𝐚𝐢𝐬.».
Même si tout semble glisser sur la carapace de Joseph, on ne peut contrôler la vie à cent pour cent. Personne n’est à l’abri d’un imprévu… Les imprévus , ce sont ces trucs qui viennent causer des remous aux wagons du train de la vie déjà eux-mêmes brinquebalants. Et l’imprévu qui attend Joseph est aussi minuscule que renversant. Il déboule dans sa vie aussi tendrement qu’une bombe, simplement déposé là, dans un couffin sur le sol d’un wagon vide. Un nourrisson comme miraculeusement tombé du ciel . Un «enfange » égaré.
Deux âmes perdues qui se trouvent.
Un ours mal léché qui devient un papa kangourou et protecteur.
Comme la reconnaissance de deux âmes, comme quelque chose d’aussi invraisemblable que logique. À ce moment là, c’est comme si l’enfange, de sa petite menotte, déjouait les fils barbelés érigés autour du coeur de Joseph pour la refermer fermement sur lui. La carapace n’est plus. Le coeur est guimauve.
Joseph comprend qu’il tient entre ses mains, ce petit destin qui dépend entièrement de lui. Chaque vie qui naît a une incidence dans la rythmique de l’Univers. Joseph s’en rend compte et baptise l’enfant du nom d’un ange mais pas que… L’enfange devient son secret, son trésor précieux qu’il préserve du monde extérieur de peur que celui-ci le pervertisse. Il tente d’échapper à l’influence de l’Ange noir. Mais si finalement, le Diable serait le monde lui-même ?
Au fil du temps, de même que l’enfange écarquille ses grand yeux émerveillés sur ce monde inconnu, Joseph apprend à le voir autrement. Impossible pour lui d’éviter la vie plus longtemps, il doit apprendre à la goûter, à la laisser entrer. Avoir la responsabilité d’un enfant, c’est accepter de s’ancrer au monde et ne plus avoir le droit de tourner le dos à l’existence. La vie est parfois capricieuse, elle est parfois ange et parfois démon mais nous n’avons d autres choix que de l’accepter dans sa totalité. Joseph brave ses traumatismes, l’enfant lui donne cette affirmation qu’il lui a manqué toute sa vie.
« -Oui, je sais ce que tu te dis: qu’avec toi, elle est protégée. Qu’il ne peut rien lui arriver de mal. Que ce sont les autres qui compliquent tout, qui salissent tout, qui causent tous les problèmes. Mais ce sont aussi des autres que viennent les grandes joies, les beaux sentiments, les liens qui durent. »
Mais si tout semble bien s’imbriquer pour notre duo, leur bulle est précaire. L’ombre de l’aile de l’Ange noir plane au-dessus de leur bulle de Bonheur. On sait qu’il suffit d’un minuscule petit trou pour que la réalité s’invite dans cet équilibre parfait. Parce que la vie aussi parfois fait sa crise d’adolescence, elle aussi peut être possédée par un démon sous la forme d’un mal-être profond. L’adolescence, comme un rejet de soi. Le Diable ne provient pas toujours de l’extérieur, parfois, il est déjà chez nous. Je dois avouer que j’ai été assez désarçonnée par le brusque revirement qui s’opère dans les derniers chapitres mais peut-être qu’après tout, cela est à l’image de la réalité, elle qui, sournoise s’immisce dans notre bulle pour la faire éclater?
J’ai trouvé les trois quarts de ce roman très touchant, rempli de tendresse, d’amour. C’est une exploration de la vie, un éveil à chaque détail qui en fait sa beauté. La situation est parfois un peu invraisemblable et mièvre mais l’important ce sont les émotions ressenties. J’ai beaucoup aimé la plume de Claire Renaud, son style un peu candide, j’ai trouvé cela très beau. J’ai été déroutée parfois, quand la dimension mystique et superstitieuse est abordée, j’ai trouvé aussi que certains éléments de l’histoire auraient mérité d’être un peu plus étoffés mais je me rends compte que peut-être ce manque d’informations était voulu par l’auteure pour garder une part de mystère , pour rendre l’histoire intrigante. Cette histoire doit plus être lue comme un conte, quelque chose basé sur les émotions et pour cela, il faut savoir décrocher du réel et pour ma part je suis restée trop ancrée dans le réel et je n’ai peut-être pas su apprécier pleinement toute la richesse du récit de Claire Renaud.
EXTRAIT
» Il regagne son bureau, range, classe, trie, enregistre, fait ce qu’il a à faire, ce qui justifie son salaire. Puis il arpente l’immense capharnaüm de long en large. Cette caverne d’Ali Baba. Ces empilements d’objets oubliés, ces choses qui prolifèrent partout. Qui le contemplent de toute leur hauteur, leur instabilité, et l’interrogent. Ces manteaux, ces ballons, ces instruments, ces ordinateurs, ces bijoux, ces livres, ces vélos. Pourquoi les gens ont-ils tant ? Pour perdre ?Et s’ils peuvent perdre autant, sans chercher à remettre la main dessus, à quoi tiennent-ils donc ? À peu, en somme. À très peu, si on y pense bien. Et cela vaut pour lui aussi. Joseph considère comme précieuses et indispensables très peu de choses. Très peu d’êtres. Surtout un, là, en fait.
Le soir est venu, il ne peut pas rentrer chez lui. Il verrait le couffin vide, la table à langer de fortune sans occupant, les peluches refusées, tous ces objets qui diraient l’absence. Alors il marche. À l’aventure. Sans but. Pour se fatiguer. Pour user ce corps et vider cette tête qui n’a que des images poignantes de l’être fragile qui a atterri chez lui. Il n’est qu’une carcasse qui s’épuise et qui espère que chaque pas l’allègera davantage. Il croise des gens, des églises, des immeubles, des rues. Il ne reconnaît rien. Il ne voit rien.
Au petit matin, il retourne à la gare. Il a réussi à passer la nuit. »
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