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Nicolas Beuglet revient avec un nouvel ouvrage (que j’attends chaque année avec une immense impatience! Chacune de ses sorties est un rendez-vous annuel )mettant en scène sa nouvelle héroïne, l’inspectrice écossaise, Grace Campbell, à la personnalité aussi mystérieuse que brave. Ce livre est le début d’une nouvelle saga et peut donc être lu indépendamment des trois précédents romans de l’auteur (saga composée dans cet ordre: « Le cri » (2017), « Complot« (2018), « L’île du Diable » (2019) ). Pour ce nouvel opus, l’auteur nous entraîne dans une expédition loin de la Norvège,puisque la trame prend racine sur l’île isolée d’Iona en Ecosse, pays au riche patrimoine historique mais aussi riche de ses vastes paysages rocailleux.
J’ai retrouvé avec délectation le style méticuleux de Nicolas Beuglet avec cette maîtrise du dosage narratif qu’on lui connait bien. Le lecteur vacille entre mystère, énigme, atrocités mais surtout il est guidé par les connaissances de l’auteur, ce qui contraste assez avec l’atmosphère brumeuse du climat géographique qui fait avancer le personnage de Grace dans un inconnu que l’on pressent incertain.
Je tiens à souligner comme à chaque fois, que je suis toujours autant bluffée par le travail de recherches de Nicolas Beuglet à l’écriture de chacun de ses romans !C’est tout bonnement un investissement colossal qui doit avoir le mérite d’être mis en avant ! Les descriptions sont si immersives que j’ai eu la sensation de lire ce roman en 3D, comme si moi-même, je me trouvais aux côtés de Grace. J’ai été très admirative également des notions astrophysiques auxquelles nous abreuve l’auteur. Ce roman plaira sans aucun doute aux amateurs d’astrophysique. Si les mystères de l’Univers vous passionnent, ce livre est fait pour vous incontestablement !
Ce roman répand des élans d’une destinée apocalyptique pour l’histoire de l’humanité ! Certains éléments mis à nu dans « Le dernier message » sont alarmants et font froid dans le dos !
Résumé
Île d’Iona, à l’ouest de l’écosse.
Des plaines d’herbes brunes parsemées de roches noires. Et au bout du « Chemin des morts », la silhouette grise du monastère.
Derrière ces murs suppliciés par le vent, un pensionnaire vient d’être retrouvé assassiné. Son corps mutilé de la plus étrange des façons. C’est l’inspectrice écossaise Grace Campbell qui est chargée de l’enquête. Après un an de mise à l’écart, elle joue sa carrière, elle le sait.
Sous une pluie battante, Grace pousse la lourde porte du monastère. Elle affronte les regards fuyants des cinq moines présents. De la victime, ils ne connaissent que le nom, Anton. Tous savent, en revanche, qu’il possédait un cabinet de travail secret aménagé dans les murs. Un cabinet constellé de formules savantes…
Que cherchait Anton ? Pourquoi l’avoir éliminé avec une telle sauvagerie ? Alors qu’elle tente encore de retrouver confiance en elle, Grace ignore que la résolution d’une des énigmes les plus vertigineuses de l’humanité repose tout entière sur ses épaules…
Dans ce quatrième roman, nous avons le plaisir de retrouver le modus operandi qui caractérise l’univers de Nicolas Beuglet et qui constitue sa patte si particulière dans le monde du thriller, à savoir un endroit isolé, un crime perpétré dans un rituel morbide qui au fil de l’enquête va révéler des secrets de l’humanité auxquels on n’osait imaginer !
Nous faisons connaissance avec Grace Campbell, bien qu’elle soit assez énigmatique sur son passé, certains éléments nous sont révélés au fil de la lecture au compte- goutte. La jeune femme est vêtue d’un voile mystérieux qui cache un traumatisme vécu et qui a été un frein majeur à sa carrière professionnelle. Sa personnalité secrète ne nous sera pas entièrement dévoilée ce qui laisse présager l’écriture d’une suite. On retrouve chez Nicolas Beuglet une héroïne qui porte fièrement son intégrité ainsi qu’ une détermination sans faille, faisant preuve de la même bravoure que Sara Geringën ( héroïne de la précédente saga). C’est un point que j’aime beaucoup chez lui, à savoir mettre en avant des caractères affirmés et féministes comme l’attestent certaines mentions subtiles dans le récit.
Des sombres paysages rocailleux d’Ecosse aux déserts enneigés du Groenland qui ont de quoi faire pâlir la solitude de Grace, la jeune femme part vers une quête de l’inconnu qui la changera pour toujours. L’auteur pousse son héroïne au delà des retranchements de l’ordinaire, mais aussi au-delà de ses propres limites puisque la jeune femme va devoir faire confiance en son intuition. Cette partie, c’est presque seule qu’elle devra l’affronter, l’occasion de se lancer un défi, non pas celui de regagner l’estime de son supérieur mais plutôt regagner sa propre estime et croire de nouveau en ses capacités. Ne pas seulement percer la vérité du monde mais aussi percer sa propre vérité intérieure. La jeune femme va devoir puiser dans ses forces et la passion de sa vocation pour mener à bien cette enquête tout sauf classique. Cette enquête va marquer un tournant déterminant dans sa vie. La solitude ne lui aura jamais parue aussi macabre et angoissante.
« Le coeur battant, l’esprit confus, elle pensa à ce qu’il y avait au-dessus de cette terre, au-delà de cette barrière de béton cotonneux: le bleu azur et pur qui se faisait de plus en plus sombre, jusqu’à la profondeur noire de l’espace et l’infini de l’Univers. »
Grace fait face à un homicide peu commun puisque la victime, un génie doté d’une intelligence rare a été exérébré ( le tueur a réduit le cerveau en bouillie) dans le monastère où il était pensionnaire. Le supplicié a été victime de la cruelle barbarie d’un autre individu,. Dès les premiers chapitres, l’atmosphère est lourde de suspense , ainsi que la météo est chargée et entachée par cette brume persistante et cette bruine discontinue. Même les paysages se font menaçants et funestes pour abriter cette atrocité. Le climat est anxiogène et le rythme de lecture se fait addictif, nous sommes happé d’emblée. Ces lieux disparates d’Ecosse, ainsi que les déserts enneigés du Groenland reculés de la civilisation à la beauté sournoise, nous font prendre conscience de la petitesse de l’Homme face à la nature par une sensation d’écrasement. Et pourtant l’Homme peut-être si perfide qu’il utilise son intelligence pour se l’accaparer.
Cette affaire semble sans limite, elle apparaît comme un puzzle disloqué dont les pièces sont éparpillées un peu partout. Comme à l’accoutumée, l’intrigue de Nicolas Beuglet est des plus complexes, cette lecture nécessite une concentration conséquente par le nombre d’informations qu’elle déverse, et j’ai trouvé que parfois les descriptions et explications prenaient le pas sur le suspense et l’action. Je me suis sentie à certains moments comme submergée, comme si mon esprit allait faire un big-bang cérébral ! C’est ce point qui a représenté un petit bémol pour moi et qui a empêché cette lecture d’être un coup de coeur bien que je trouve ce roman fascinant et magistral par les messages qu’il dégage. Cette enquête nous attire dans les abysses des secrets de l’Univers mais aussi dans l’antre du chaos originel. On nous fait entrevoir les dessous de l’origine de l’univers et de l’humanité et les recherches qui se trament sous cette couche de normalité sous laquelle on nous maintient. Dans tous les cas, les Diables ne sont pas sous terre mais agissent sur terre, à nos côtés… La population lambda est endormie, comme si tels des robots, nous nous articulions en rythme soumis à une vision hypnotique. Un peuple ignorant est un peuple malléable.
« Le genius est bien celui qui donne naissance, celui qui crée à partir de rien. Qui est à l’origine d’une idée, d’une œuvre n’ayant jamais existé auparavant. »
Ce roman montre que l’Homme peut être un génie mais il est un conquérant dans sa nature profonde. Il va jusqu’à tenter de s’accaparer le vaste Univers, tenter de percer son secret pour mieux l’exploiter. L’auteur, à travers cette intrigue démontre la perfidie des moyens technologiques que nous connaissons et utilisons au quotidien tels que les applications, les réseaux sociaux etc.. et qui eux, nous connaissent intimement bien également et qui chaque jour contribuent à l’abêtissement général du reste de la population lambda.
Cette intrigue fait froid dans le dos tellement elle est criante de vérités. La fiction n’est jamais si éloignée de la réalité… souvenez-vous en. L’intelligence peut devenir une arme de destruction massive lorsqu’elle est mise au service des plus sombres desseins…
Ce roman bouscule les certitudes et nous pousse à notre tour à se documenter sur ce qui nous entoure et ce qui nous constitue mais aussi remet en question certaines de nos habitudes quotidiennes représentatives de notre ère avancée et moderne.
Pour conclure, j’ai trouvé que ce dernier message est tout aussi fascinant que les trois autres bien que pour moi il soit davantage ancrée dans la réflexion que dans l’action. C’est une intrigue davantage cérébrale, c’est pourquoi j’ai trouvé ce livre beaucoup moins haletant que les précédents même si je pense en avoir saisi les messages principaux qu’il nous véhicule.
EXTRAIT
Hypnotisé par ce qu’il lisait sur son écran, le professeur vivait une extase intellectuelle dont Grace se sentait amèrement exclue.
-Je vous en prie, livrez-moi l’identité de l’homme qui a exécuté ces fascinants calculs.
-Je ne sais pas ce qui vous fait dire que c’est un homme, mais qu’importe, je ne peux rien vous dévoiler des personnes impliquées dans cette enquête. D’ailleurs, pour revenir à ce qui pourrait la faire avancer, qu’en est-il de l’image colorée jointe à mon message ? Celle avec du rouge, du orange, du vert et du bleu.
-Ça, je peux vous le dire tout de suite. Je me demande dans quelle mesure elle est liée à ces équations. Mais on verra plus tard. Le cliché que vous m’avez envoyé a bouleversé le milieu astrophysique. Il a été pris par le satellite Planck, du nom du père de la mécanique quantique, et cette image n’est rien de moins que la photographie du fond diffus cosmologique de l’Univers primordial.
Elle n’était pas certaine de tout comprendre, mais ses nombreuses lectures l’aidèrent à mieux cerner l’ampleur et la nature de cette image.
-Cette photo serait donc une espèce de mémoire des tout premiers instants de l’Univers…c’est ça? Un peu comme une empreinte dans l’espace de ce à quoi il ressemblait…
-…lorsqu’il avait 380 000 ans.
-Et pourquoi pas avant?
-Parce que dans ses premières années, l’Univers était très compact et la matière mangeait toutes les particules de lumière. Par conséquent,nos simples yeux humains n’y voient que le noir absolu. Et puis à partir de 380 000 ans, l’Univers s’est en quelque sorte élargi et paf ! la lumière a jailli des ténèbres ! C’est ce flash que vous avez devant les yeux, inspectrice. Vous devriez en être émerveillée. Pensez donc! L’Univers a aujourd’hui 13,7 milliards d’années; à 380 000 ans,on peut dire qu’il venait de naître. Rendez-vous compte: quand vous regardez cette image, vous remontez plus de 13 milliards d’années dans le passé! Ce n’est certes pas l’instant zéro, ou le big-bang, comme les profanes l’appellent, mais c’est quand même pas mal.
Sensible à l’évocation de cet inconcevable voyage dans le temps, Grace prit place dans un fauteuil à côté de l’astrophysicien. Ce dernier avait perdu toute arrogance, toute hauteur, même. Il se tourna vers elle et lui prit le bras, ses yeux brillant d’un éclat passionné.
-Inspectrice Campbell, j’ai bien compris que vous ne vouliez pas me révéler la provenance de ces documents, mais je vous le dis solennellement, de ce que j’entrevois, vous avez mis la main sur un être en passe de provoquer une rupture épistémologique dans l’histoire humaine, un génie sur le point de faire une découverte révolutionnaire.
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