♥♥♥♥/5
Hello! 🙂
Je suis très en retard dans mes articles mais le mois de mars a été assez éprouvant pour ma part et je n’avais plus le coeur à la lecture. J’ai connu une petite panne de lecture en février, puis j’ai enchaîné avec une déception sur un roman étranger pour ma rubrique La Plum’ trotteuse (dont je n’ai toujours pas publié l’article mais mon avis est disponible sur ma page facebook, instagram et babelio). Et en ce moment, au vue de l’actualité, j’ai énormément de mal à me concentrer…
Mais je ne suis pas là pour déprimer et m’épancher mais pour vous livrer aujourd’hui mon retour sur le superbe roman de Laëtitia Colombani, « Les victorieuses » publié aux Editions Grasset en 2019 . Une lecture qui tombe à pic pour le challenge #marsauféminin mais aussi dans l’actualité car c’est un livre qui rappelle les valeurs de la solidarité pour les plus démunis, et honnêtement, ce livre m’a fait énormément de bien ! C’est pour moi, une lecture nécessaire pour toutes et tous ! (oui Messieurs, pour vous aussi). Chaque attention, même la plus infime soit-elle,est importante.
Je n’ai pas lu le premier roman de l’auteure « La tresse » , je découvre donc la plume de Laetitia Colombani avec ce second roman. Je comprends maintenant pourquoi « La tresse » a reçu tellement de critiques élogieuses ! Je suis tombée en admiration devant le style et la finesse d’une écriture que j’ai trouvée, imprégnée et ancrée émotionnellement à la réalité. Il y avait de la conviction et de l’amour à la fois , derrière chaque mot. C’est ce constat qui m’a frappée dès les premières lignes: la beauté et l’authenticité pure de l’écriture. Chaque mot a dû être tapé, frappé avec force sur les touches du clavier. Voici donc mon premier ressenti.
A travers ce roman, l’auteure nous ouvre les portes du Palais de la Femme à Paris, fondé en 1926 grâce à l’initiative de Blanche Peyron (commissaire à l’Armée du Salut) et de son mari, Albin.
L.Colombani livre d’ailleurs, un très beau portrait de cette femme engagée qui combat avec poigne et pugnacité les injustices sociales. C’est un très bel hommage à cette grande dame,un moyen également de la faire revivre à travers cette histoire, à travers ces mots pour la graver à jamais dans le temps et pour ne plus jamais oublier qui elle était. L’histoire est basée sur des faits réels concernant le parcours de Blanche, l’auteure lui a créé son propre personnage dans les années 20. Un passé qui se superpose au Paris d’aujourd’hui avec le personnage de Solène. On alterne entre passé et présent, entre réalité et fiction. A partir du travail de Blanche Peyron, l’auteure va venir greffer plusieurs portraits de femmes résidant au Palais. Des destins hors normes à plusieurs visages, à plusieurs horizons.
Résumé
Brillante avocate, Solène tente de se reconstruire après un burn out. Acceptant une mission bénévole d’écrivain public, elle est envoyée au Palais de la Femme, vaste foyer au coeur de Paris. Les résidentes s’appellent Binta, Sumeya, Cvetana, Salma ou la Renée et viennent du monde entier. Lorsqu’elles voient arriver Solène, elles se montrent méfiantes. Solène vacille mais s’acharne, bien décidée à trouver sa place auprès de ces femmes aux destins tourmentés… Un siècle plus tôt, Blanche Peyron oeuvre en faveur des démunis. Elle a voué sa vie à l’Armée du Salut et rêve d’offrir un refuge à toutes les exclues de la société. Le chemin est ardu, mais Blanche ne renonce jamais.
A la suite d’un évènement traumatisant dans l’exercice de sa profession, Solène,avocate active tombe dans une profonde dépression qui ne semble pas avoir de fond. Désemparée, elle remet son existence en question et sa vie lui semble bien vide. Célibataire sans enfant à 40ans, elle ne parvient pas à oublier son ancien amoureux et les regrets l’assaillissent. Solène, si indépendante et remarquable dans son travail est en pleine désillusion. Et si tous les choix qu’elle avait faits au cours de sa vie n’avaient été que des erreurs? Et si elle était passée à côté de la vraie vie?
Pour l’aider à reprendre goût à la vie, son thérapeute lui conseille de faire du bénévolat. Lorsque l’on touche le fond, on ne peut que aller vers le haut. Solène s’interroge donc sur ce qui lui plairait vraiment car cette épreuve qu’elle traverse lui donne l’opportunité de prendre un nouveau départ. Solène a toujours aimé l’écriture. Le destin la conduit devant les portes du Palais de la Femme à Paris, fondé un siècle plus tôt par une autre femme de caractère, Blanche Peyron. Solène, hésitante, ignore encore qu’elle va entrer dans un monde différent de celui qu’elle connaît. Un monde où la misère est résidente à temps plein entre ces murs, un univers fait de femmes que la société a écrasées, abandonnées au bord de la route comme si elles n’étaient rien. Entre les murs du Palais, il y a les destins de reines guerrières, des portraits d’écorchées vives, des éclopées rescapées de la guerre contre la misère. C’est un monde complètement étranger pour Solène, elle qui a grandit et construit sa vie loin de tout ça. C’est un monde qu’elle ne connaît pas et ses repères se retrouvent à nouveau chamboulés. Mais ce monde, c’est la réalité, une réalité sans fioriture, sans masque. C’est la réalité brute ! Celle que l’on voit mendier devant les magasins et qu’on préfère ignorer en détournant les yeux parce que cette réalité là dérange. Cette réalité là fait peur. On n’ose la regarder dans les yeux car on ne sait quelle attitude adopter… La misère nous fait peur,nous fait honte. On préfère la belle image que la société pavane fièrement, mais elle possède deux visages. La société est hypocrite.Pour Solène, il est temps d’ouvrir les yeux et de regarder la réalité en face.
Aller vers l’inconnu, vers quelque chose que nous ne connaissons pas nous déstabilise toujours. Lorsque Solène franchit les portes du Palais, ce sont deux univers qui viennent s’entrechoquer. Comment aider ses femmes alors qu’elle ignore tout de leur monde, de leur parcours. La méfiance s’installe d’abord, les femmes l’observent de loin, la jaugent. Puis lentement, Solène va faire partie de leur cercle, de leur quotidien à force d’apprivoisement. Peu à peu, l’univers de ces femmes va entrer en corrélation avec celui de Solène, leurs histoires vont venir l’imprégner, l’émouvoir. Dans leurs récits, Solène va entrevoir la vraie vie et la cruauté du monde. La notion d’égalité n’est qu’une chimère.
Par sa mission d’écrivain public, Solène va faire plus que ça. S’engager auprès des autres, tendre la main à ceux dans le besoin, c’est tendre une main vers soi-même. La vraie richesse est là. Aller vers les autres pour se trouver soi-même.
Aux contacts de ces femmes,Solène va connaître une débâcle des sentiments, une déflagration de toutes ces émotions longtemps refoulées. En prêtant ses mots aux résidentes, Solène va révéler sa véritable vocation : écrire. En s’imprégnant de la vie de ces femmes, les mots vont venir l’assaillir, et ses propres mots jailliront. Il y a une inspiration mutuelle, une force que les femmes se transmettent entre elles et c’est magnifique!
« 𝐒𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐟𝐫𝐨𝐧𝐭𝐞𝐫 à 𝐥𝐚 𝐫é𝐚𝐥𝐢𝐭é 𝐞𝐬𝐭 𝐮𝐧𝐞 𝐞𝐧𝐭𝐫𝐞𝐩𝐫𝐢𝐬𝐞 𝐫𝐢𝐬𝐪𝐮é𝐞. 𝐈𝐥 𝐟𝐚𝐮𝐭 ê𝐭𝐫𝐞 à 𝐥𝐚 𝐡𝐚𝐮𝐭𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐬𝐞𝐬 𝐚𝐦𝐛𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬, 𝐞𝐭 𝐜𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬-𝐜𝐢 𝐬𝐨𝐧𝐭 𝐭𝐨𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐬 é𝐥𝐞𝐯é𝐞𝐬. »
Après avoir étouffé ses aspirations profondes pour faire plaisir à son entourage et entrer dans le chemin que la société lui avait destinée, Solène va écouter son coeur. Réaliser ses rêves demande d’être courageux. Cela demande de se battre pour ses convictions car la société essaiera de venir grignoter vos rêves d’enfants…
Solène est une âme solitaire qui va partager une plume solidaire. Derrière les portes du Palais de la femme, il y a des âmes cabossées, des existences abîmées et meurtries. Celles qui se sont pris la réalité brute et impitoyable de la misère en pleine face. Tous ces destins de femmes hors normes dépeints dans ce récit vont venir cogner à la vie effritée de Solène. Des âmes qui ont le visage de Binta, Sumeya, Salma, la Renée…
Solène va alors leur offrir ses mots et peu à peu va devenir leur voix. Une voix pour des dizaines de femmes oubliées.
L’expérience de Solène au Palais de la femme n’est racontée qu’à travers son récit, elle rapporte le vécu des autres femmes qui peu à peu vont venir se confier à elle. Travailler dans ce palais, c’est s’ouvrir à de nouveaux horizons, voir la vie autrement. Ces femmes ont toutes un parcours atypique, semé d’embuches, de sacrifices, de souffrances. Leurs histoires sont bouleversantes et nous ressentons les émotions au travers de celles de Solène. Un récit poignant et bouleversant.
Lorsque comme Solène, nous avons connu qu’un seul mode de vie, le changement est troublant, angoissant. Mais il existe plusieurs vies dans une vie. Rien n’est jamais défini.
Pour d’autres personnes, elles peuvent avoir la chance de trouver leur voie du premier coup et c’est le cas de Blanche Peyron.
Dans ce roman, Laetitia Colombani rend hommage à Blanche Peyron, fondatrice du Palais de la Femme. Elle revient sur le parcours de cette femme de caractère et engagée. L’auteure alterne les chapitres entre le Paris de nos jours avec Solène et celui du XXè siècle avec Blanche. Un personnage de fiction et un personnage réel. Un siècle sépare ces deux femmes, leurs caractère sont complètement opposés. Blanche est une femme d’action qui très tôt s’engage dans l’Armée du Salut. Les injustices sociales lui font horreur, elle ne supporte pas la misère, elle la combattra jusqu’à son dernier souffle. A l’époque, les femmes n’avaient pas les mêmes droits qu’aujourd’hui mais très tôt, Blanche n’en avait cure de la bienséance. C’est une femme d’action qui sait obtenir ce qu’elle veut. Sa force de caractère est indestructible.
« C’est à l’aune du danger qu’on mesure l’authenticité d’un engagement. Le sien est pur, entier. Il ne se laisse entamer ni par le doute, ni par la faim, ni par le froid. Il lui semble que sa vie tient là, dans ce combat, dans cette main qu’elle veut tendre à ceux qui n’ont rien »
J’ai aimé le portrait qui y est fait de son mariage avec Albin Peyron. C’est un couple que j’ai trouvé très moderne et touchant. Son mari était admiratif de la personnalité et de la pugnacité de sa femme à mener à bien ses projets. POur une fois, c’est le mari qui accompagnait sa femme, ils marchaient côte à côte, main dans la main,d’égal à égale, et œuvraient pour la même cause. Albin est son compagnon de route, son partenaire. Ils formaient un magnifique duo et se portaient énormément d’affection. C’est un mariage d’amour, ils se sont choisis tout simplement. Je regrette de n’avoir que trop peu entendu le nom de Blanche Peyron car lorsque l’on prononce son nom, on peut y associer : persévérance, conviction, détermination. Blanche n’en avait que faire des dictats qu’on tentait de lui imposer, elle prenait même plaisir à les contredire, seule sa vocation profonde lui importait: donner sa vie pour venir en aide aux plus démunis.J’ai beaucoup d’admiration pour le personnage de Blanche qui a su très tôt prendre son destin en main.
Si Blanche n’a jamais laissé quiconque lui dicter sa conduite, pour Solène cela va prendre plus de temps. Elle va devoir apprendre à s’ouvrir aux autres, apprendre à s’ouvrir au monde et sortir de sa zone de confort. Etant donné qu’à l’époque, les femmes n’avaient pas les mêmes droits, elles devaient davantage se battre pour être reconnues. Mais le livre démontre qu’aujourd’hui, les combat contre les inégalités de sexes n’est pas encore gagné. Car dans la précarité, les femmes sont les plus grandes victimes sur de nombreux aspects que ce soit sexuels, culturels.
Le roman montre qu’il y a plusieurs manières d’être une guerrière à travers tous ces portraits. Chacune d’elle à sa manière en est une. Solène, a elle aussi une force de caractère qu’elle ignore encore. Elle et Blanche ne sont pas si différentes que ça.
Un roman nécessaire et qui nous rappelle les fondamentaux de notre société. Il nous ramène à l’essentiel. Parfois, au bout d’un chemin épineux, on peut trouver la clé du bonheur. On peut trouver l’accomplissement de soi à travers son implication pour les autres. Prendre le temps de s’arrêter pour regarder autour de soi, être attentif. Le bonheur peut nous amener à prendre des chemins inattendu. Ecoutez votre coeur, c’est en prenant soin de vous que vous prendrez soin des autres.
J’ai été agréablement surprise par la plume saisissante et pleine de conviction de Laetitia Colombani. Chaque mot laisse un impact plein de justesse et de vérité.C’est une plume engagée et qui se veut comme une porte-parole esquissant ces portraits de femmes.
Une plume imprégnée et commune à travers laquelle, elle va trouver ses propres mots.
La vraie beauté, c’est de donner sans rien attendre en retour. Offrir aux autres pour se trouver soi.
Un récit empreint d’humanité.
Une écriture féminine. Engagée. Forte. Puissante. Pertinente. Fulgurante.
Laetitia Colombani signe un bel hommage au parcours remarquable de Blanche Peyron mais aussi à toutes les victorieuses qui sommeillent en chaque femme.
Une lecture nécessaire, écrite avec authenticité, pour mesurer combien chaque petite attention est importante.
Laisser un commentaire