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Eh ben ! Voici le genre de lecture dont laquelle on ne ressort pas indemne. Une lecture qui laisse des traces, un récit qui résonne en nous, dans nos tripes, dans le cœur ! Je vous présente « Sujet inconnu » de Loulou Robert. Cette jeune auteure Messine mérite bien sa place dans la littérature française, une nouvelle plume est née et quel talent ! Je ne connaissais pas Loulou Robert, « Sujet inconnu » est le premier roman que je lis d’elle et c’est une claque vraiment. A la lecture de de la 4ème de Couverture, je savais que j’allais entrer dans un univers décalé, lourd et puissant, c’était le saut dans l’inconnu pour moi. C’est une lecture qui marque et pour ma prochaine lecture, il va me falloir un livre léger pour redescendre. L’atmosphère de ce roman est chargée, lourde, sombre.
Il m’a fallu un petit temps d’adaptation pour adhérer à l’écriture de l’auteure et à l’univers du récit mais une fois que j’ai passé cette étape, tout a fusé. C’était fort, violent, beau. Un roman qui se démarque par son style décalé.
Résumé:
Je. Tu.Elle. Sujet: inconnu.Au fond, elle ne sait pas qui elle est. Une gamine bizarre, grandie sans amis au fin fond du Grand-Est. Ici, rien ne se passe jamais. Le vide, l’absurde. Alors il faut partir. Partir pour survivre, partir pour ressentir. Paris. La fac en solitaire. Et soudain, c’est lui. C’est toi. La peau pâle, jean noir et marinière: l’amour comme une urgence. L’urgence d’apprendre. Détruire, dit-elle. Écrire, enfin- car son sujet c’est elle, c’est lui.
Et dans la perte, se trouver.
Intensité. Désinvolture. Percutant. Dérangeant. Déstabilisant.
Une écriture singulière, brute, impulsive, saccadée, à vif.
Le sujet c’est « elle ». Elle ne se nomme pas, d’ailleurs sait-elle qui elle est ? C’est le sujet inconnu. Elle qui flotte dans la mélancolie, hors du monde, hors des gens. Mais Elle existe, son histoire existe. Elle écrit donc elle est.
Elle s’était préparée toute son existence à la souffrance, à la mort. Elle met de la distance mais Lui, elle ne l’a pas vu venir. Esquives, distance, balayage, puis KO. La souffrance attire la souffrance. Rencontre électrique. Foudroyante. Dans « coup de foudre », il y a coup. Sa noirceur à Lui la rend belle. Extraordinaire. Sa noirceur à Lui l’étouffe. C’est Lui qui devient le « Tu », l’autre sujet inconnu.
« Elle » et « Tu » s’aiment. Luttent. Amour malsain, sombre, toxique. L’amour narcissique. Un amour fracassant. Aimer et repousser. Amour qui esquinte. Amour qui écorche.
Le Grand-Est rendrait maussade, il ne m’enlève pas à moi la sensibilité. Une de sensibilité crochetée par l’uppercut que provoquent les mots à Elle dans mon bide. Un récit pénible, douloureux, noir, profond. Des mots qui souffrent et qui brillent à la fois.
Voici mon premier ressenti, à l’état brut …
L’écriture est ma manière d’être au monde. De sortir du silence. De sortir tout court.Les émotions qui ne se trouvent pas dans le dico. Je sublime les maux. Mais si je n’écris plus, la douleur reste douleur. La tienne devient insoutenable. J’accumule. Tout est lourd. Je pèse une tonne. Le moche reste moche. Le terrible, terrible.
Lorsque l’on referme ce livre, il nous laisse essoufflés, écharpés, pantelants. Cette plume nous transporte, nous malmène, on partage les remous intérieurs du personnage. Une écriture troublante où tout le long du récit, on se demande si le sujet en question n’est pas l’auteure elle-même. Elle sème le doute, elle sème le trouble. Il n’y a pas de dialogues, seulement du récit, seulement Elle qui raconte. Sa plume ressent et celui qui ressent vit. La fièvre de l’écriture lui donne vie à Elle. Ses sentiments et toutes ses émotions qui l’agitent prennent vie, sont en mouvement autour d’elle. Là voilà la Libération. Libération d’une âme étouffée, prisonnière, tenue en cage. L’écriture comme un exutoire qui nous rend puissant dans notre bulle et puis on se sent de nouveau faible un fois de retour dans la réalité. Derrière les mots percutants, il y a une certaine fragilité du personnage comme une âme fissurée mais cette fragilité de l’adolescence laisse place à l’affirmation de soi, une force, une rage intérieure. Loulou Robert nous parle de ressentis, d’émotions à l’état brut. Cela me fait penser à des pierres précieuses que l’on cache en nous. Ces pierres, elle les déforeste en les ancrant dans son clavier d’ordinateur. Ces pierres n’ont pas le temps d’être polies, lissées, elle sortent comme la roche brute et nous égratignent les mains et le cœur au passage.
« Elle » ou « Je » est mise à l’écart de la marche du monde et elle se met à l’écart aussi mais c’est bien connu qu’un écrivain pour écrire doit à la fois avoir un pied dans le réel et l’autre hors du monde. L’écrivain vit dans l’entre- deux mondes. Elle avait tendance à dériver trop à l’extérieur du monde et puis Lui est arrivé. Il la bouscule, lui fait chavirer le cœur et la tête. La carapace se fissure. La sienne à Lui aussi. Qui se ressemble s’assemble. Leur noirceur s’attire, s’aimante brutalement, passionnellement. Il devient son point d’ancrage. Elle pensait tout connaître sur la souffrance mais elle ne connaissait pas l’amour. L’amour est aussi un sujet inconnu. La douleur de l’amour. L’amour brut, possessif. Lui , le « tu » souffre, et Elle « je » souffre. Ils se complètent.
L’amour n’est pas toujours beau ni sain. Les gens ont du mal à intégrer cette notion. Il n’existe pas un amour. L’amour véritable est parfois moche à regarder. Mais seulement si l’on ne sait pas le regarder.
Ce récit explore la souffrance et les émotions qui en découlent. La noirceur n’est pas si noire si on sait comment la regarder, comment en tirer partie. La noirceur peut nous rendre visible, nous faire briller, sortir le meilleur en nous. La souffrance oscillante qui nous entraine dans sa danse, comme une lutte, un va- et – vient avant-arrière, de bas en haut…
Le sujet s’épanouit dans l’obscurité autant qu’elle en a peur. Elle en connaît les limites. Elle l’aime. Il l’aime. Elle expérimente cette forme d’amour abusive. Elle a besoin de lui pour s’ancrer au monde, s’ancrer à ses rêves. Plus il essaie de l’écraser, plus elle s’élève et elle l’aime pour ça autant qu’elle s’échappe de lui. Elle s’expérimente en se mettant en morceaux pour lui et avec lui pour essayer de se comprendre, s’analyser. Elle aime analyser le monde. Elle l’a toujours fait. La mélancolie la rend extraordinaire. La vérité dérange, nous effraie, elle creuse des fossés. « Je » et « Tu » ne se reconnaissent plus. Ils deviennent tous deux des sujets inconnus.
Un récit fort intriguant. Des mots qui nous bousculent. Des vérités qui dérangent mais Loulou Robert n’a pas peur, elle les affronte, elle les plaque KO sur le ring du papier. Regardez-les ! Lisez-les! Ressentez-les !
Qu’on aime ou pas ce récit, il ne laissera personne indifférent. C’est puissant. La souffrance a quelque chose de beau et surtout de vrai.
EXTRAIT:
De nouveau, le professeur me demande de me mettre en position. Je ferme les yeux. Tourne doucement les talons. Je suis face à l’adversaire. Je serre mes paupières à présent. Des rires dans la salle. On ne combat pas les yeux fermés.
J’ouvre les yeux. Uppercut foudroyant. L’adversaire devant moi. Encore à quelques mètres. À la lumière du jour cette fois. Je voulais me battre. Mais pas cette guerre. Plus d’énergie. Il faut économiser. Respire. L’adversaire avance vers moi. Je ne bouge pas. Mon cœur ne sait pas se défendre. Ma tête: garde haute. Ses lèvres rouges. Sa peau claire. Ses yeux noirs. J’étais en colère. J’étais décidée. Je ne sais plus ce que je suis. Je pose des questions. Cette fois, c’est moi qui ne répond pas. Je panique. Je sue. L’adversaire me regarde.Les autres n’existent plus. Le monde n’existe plus. Je ne sais plus rien car plus rien n’a d’importance.
Juste ses pas, de plus en plus proches de moi.
De la piste de danse au ring. Une année. De nouveau face à face. Tu le savais.Tu es calme. Tu maîtrises. Cette fois, je ne danse pas. J’attends le coup. Celui qui me mettra au tapis. Alors viens.
Tu es beau. Tu es redoutable. Face à toi, je ne sais plus rien.
En un regard, tu as tué le cancer et ma colère.
L’adversaire c’est toi.
Je, tu, il. Je t’attends, alors viens.
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